Faut il avoir confiance en Ghannouchi ? Depuis, une semaine qu'il est sur le devant de la scène, le premier ministre-président est loin de faire l'unanimité. Nombreux sont ceux qui le découvrent alors qu'il est premier ministre depuis plus de 11 ans et ministre depuis octobre 1987 dans le gouvernement d'un certain Zine el Abidine Ben Ali. L'homme a toujours été discret et peu enclin à la communication, des qualités très appréciées par l'Omniprésident déchu et qui continuent d'être à son avantage aujourd'hui. Pour beaucoup, les succès économiques de la Tunisie sont à mettre au compte de Ghannouchi alors que la corruption et les malversations étaient uniquement le fait de Ben Ali et ses proches. Mais pouvait-il ne rien savoir ? Il a bien dit que son rôle de premier ministre s'arrêtait à la coordination et qu'il a songé maintes fois à démissionner. Pourtant, pour qui sait comment fonctionnait l'Administration sous Ghannouchi, les ministres étaient pour la plupart des super-secrétaires d'Etat qui rendaient compte au premier ministre et au Président. D'ailleurs, quand les ministres changeaient on gardait généralement le même cabinet ministériel dont le chef était souvent directement désigné par le premier ministère.
Avant la chute de Ben Ali, l'atmosphère au sein de l'Administration était devenue irrespirable. Les fonctionnaires, loin d'espérer un miracle tel que celui du 14 janvier même dans leurs rêves les plus fous, n'avaient plus qu'un souhait : un véritable remaniement ministériel qui sort du traditionnel jeu de chaises musicales. L'attente devenait pesante depuis les présidentielles de 2009 : on attendait un changement de premier ministre et de nouvelles têtes ! Alors nul besoin de dire que la déception était grande de voir qu'au lendemain de la destitution de Ben Ali on continuait avec une équipe gouvernementale largement basée sur des personnalités de l'ancien régime avec à leur tête l'inamovible Ghannouchi. Il n'a pas hésité à confirmer, voire à faire appel, à des ministres et secrétaires d'Etat dont l'implication dans des malversations administratives (attributions de marchés, gestion de biens publics, fiscalité...) ne laisse que peu de doutes. La bouffée d'oxygène tant espérée se fera donc encore attendre !
Pouvait-on faire autrement ? Personne ne peut contester qu'il n'est pas dans l'intérêt du pays qu'une situation de vacance du pouvoir se prolonge. La constitution d'un gouvernement transitoire devait se faire dans l'urgence et il était difficile de mettre tout le monde d'accord. Toutefois, il ne fallait pas être devin pour savoir que l'actuelle équipe serait très contestée. A mon humble avis, un gouvernement de salut national resserré s'imposait. La pléthore de ministres et de secrétaires d'Etat peut donner le mauvais signal que le gouvernement provisoire a vocation de durer. Par ailleurs, certains ministres confirmés dans leur postes et ayant géré des dossiers ''sensibles'' en matière de fiscalité, d'attribution de marchés publics ou de politique de développement concentrent les soupçons (fondés ou infondés) quant à la possibilité de dissimulation ou de destruction de preuves qui entraverait le bon fonctionnement des commissions d'enquête indépendantes. L'argument que ces ministres disposent d'une large expérience qui rend difficile leur remplacement ne tient pas du tout ! S'il est un poste hautement technique et sensible c'est bien celui de Gouverneur de la banque centrale. Pourtant on n'a eu aucun problème à trouver le bon remplaçant en la personne de M. Mustapha Kamel Ennabli qui aurait fait, soit dit en passant, un excellent premier ministre faisant l'unanimité parmi l'opinion publique et les investisseurs aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Alors qu'on ne vienne pas nous dire que certains ministères ''techniques'' sont difficiles à combler ! La Tunisie manquerait-elle de compétences en économie, en finance ou en gestion ?!
Toujours à mon humble avis, il n'est pas trop tard pour désamorcer l'actuelle crise gouvernementale. L'interêt suprème du pays exige que tout le monde se mette au travail, le gouvernement et les commissions d'enquête en tête ! Alors pourquoi ne pas maintenir Ghannouchi, qui avec M. Mbazaa assurent le lien constitutionnel, et changer tous les autres ministres pour couper court à la polémique en les remplaçant par des personnalités intègres (peu importe le bord politique). Les commissions d'enquête travailleraient alors avec plus de sérénité et feraient la lumière sur l'implication ou non des anciens membres du gouvernement !