S'il est de bon goût pour les islamistes d'Ennahda de se comparer à l'AKP turc, il est de bon goût également pour certains laïques tunisiens de se réclamer de l'héritage d'Atatürk quand ils jugent insuffisant le legs bourguibiste en matière de séparation de l'Etat et de la religion. Il faut cependant rappeler que les démarches entreprises pour bâtir un Etat moderne dans les deux pays ont été très différentes. Atatürk a imposé une laïcité à l'européenne à travers l'adoption de lois "importées" venant remplacer les textes traditionnels et coupant tout lien avec la religion musulmane. Dans le cas tunisien, la philosophie de Bourguiba était toute autre : le Code du Statut Personnel (CSP), par exemple, s'est voulu être une relecture inspirée des textes religieux à la lumière d'une vision moderne. En outre, l'islam est resté religion d'Etat et le président de la république se doit d'être musulman. Dans les deux cas, tunisien et turc, le forcing législatif s'est par ailleurs accompagné d'un grand effort de laïcisation des institutions et principalement l'enseignement. Mais là également, si en Turquie l'enseignement public ne donne pas de cours religieux, la Tunisie a fait le choix de prodiguer des cours d'éducation islamique et encadrer par conséquent le message religieux destiné aux enfants. Pour revenir au CSP, celui-ci diffère principalement sur deux points du droit turc : l'héritage y est toujours largement dicté par la loi islamique (et donc en défaveur des femmes) et il reste impossible pour une tunisienne musulmane de contracter ou valider un mariage avec un non-musulman. Par ailleurs, l'adultère n'est plus criminalisé en Turquie, point sur lequel l'AKP a tenté de revenir, sans réussite pour le moment.
Cependant, dans la pratique, la société turque ne semble pas plus sécularisée que la société tunisienne, bien au contraire : les mariages forcés y sont légion, les crimes d'honneur sont nombreux et l'égalité en matière de succession est loin d'avoir toujours été respectée vu que l'écrasante majorité du patrimoine continue à être détenue par les hommes. Or une sécularisation effective de la société est le seul garant de pérennité d'une laïcité républicaine. En Turquie la laïcité est protégée par l'armée qui contrôle étroitement la vie politique à travers un conseil de sécurité national et empêche toute "dérive" qui s'éloignerait du kémalisme institutionnel. Même si l'influence de l'armée est en déclin, la Turquie continue donc à être un Etat sécuritaire, ce qui est incompatible avec l'instauration d'une véritable démocratie.
En Tunisie, le peuple a rejeté une autre forme d'Etat sécuritaire, policier et non militaire, et reste attaché à son armée républicaine et neutre. Une armée à la turque qui ferait contre-poids au gouvernement élu ne semble donc pas envisageable dans le contexte tunisien actuel. Cependant, il n'a échappé à personne qu'il s'en est fallu de peu que l'armée tunisienne ne puisse remplir son rôle par manque de moyens, et son renforcement semble donc inéluctable.
Le meilleur protecteur que la laïcité puisse avoir c'est le peuple ! Mais la question qui se pose est de savoir à quel point la société tunisienne accepte, ou plutôt désire, être sécularisée. Une laïcité tunisienne s'est construite durant les 50 dernières années par une lente "politique des étapes" si chère à Bourguiba. Les acquis du CSP semblent être intégrés par une large frange de la population. Aujourd'hui, le peuple exige un nouveau système politique basé sur une véritable démocratie et une nouvelle république avec une nouvelle constitution. Est-ce que la laïcité devra gagner du terrain à la faveur de cette refonte constitutionnelle ? Le débat sur la question mérite d'être largement ouvert et promet d'être passionnant mais en aucun cas il ne devra être occulté.
1 commentaire:
Bonjour,
L'islam n'étant pas une religion d'état , même si ennahdha que jamais le peuple ne sera pour une charia commandant la politique, et que la liberté de culte est restée dans la constitutée. Donc et vu que la tunisie n'est pas une république islamique , donc l 'islam n'est pas imposé au peuple ni à la constitution (elle ne provient pas de la cheria),donc la religion musulmane n'est pas une religion d'état(c'est pour cela que le Grand Muftis de l'état est en dessous du président et donc inférieur commandée par la politique. Donc ce ,n'est pas une une république, et il n'y a pas que le chéisme qui peutr le transformer il suffit qu'un jour un théologien sunnite prenne le pouvoir et instaure une chariaa et nomme des ministres à sa solde. Donc fonde ainsi une république islamique islamiste, barbe et hijab obligatoire , révisions des programmes scolaires et surveillance des médias et des arts.
la Tunisie même médiocre aujourd'hui médiocre car les arabes ne savent toujours pas diriger un gouvernement (car le peuple n'est pas à diriger ni dans la vie professionnelles ni dans la vie privée), et encore moins les iraniens niveau vie très bas, et une guerre contre l'Iraq par manque de soldats qu'ils ont perdu.
Merci.
Zohra Madani
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